top of page
Photo du rédacteurFrédérique Jeske

Remettre l’humain au centre du management est une nécessité !

Faut-il aimer les gens pour être chef d’entreprise ?

La réponse est clairement oui, si on en croit une femme absolument exceptionnelle que j’ai eu la grande chance de rencontrer récemment : Marylène Delbourg-Delphis.

Marylène a été l’une des premières femmes européennes à lancer une entreprise de technologie dans la Silicon Valley. Normalienne en philosophie, à l’origine de la première base de données relationnelle sur le Macintosh en 1985, elle a démontré une capacité unique à aller chercher les talents, comme lorsqu’elle a réussi à débaucher l’évangéliste du Macintosh, Guy Kawasaki, pour ouvrir sa première filiale ACI-US.

Après un parcours ponctué de success stories d’entrepreneur, elle accompagne aujourd’hui de nombreux dirigeants en posture de « Shadow CEO », au cœur de l’entreprise, entre conseil et opérationnel.

Passionnée de technologies et de design thinking, Marylène s’est aussi intéressée aux ressources humaines et considère la qualité de la vie au travail comme un facteur essentiel de réussite de l’entreprise.

Nous avons eu un échange passionnant sur les enjeux de l’entreprise, à la frontière du leadership, des ressources humaines et de l’amour de l’humain.

Marylène nous ouvre la porte d’entreprises intelligentes et vivantes, dans lesquelles l’humain et la confiance sont au cœur des organisations… au service de leur performance !

Comme vous l’imaginez aisément, j’ai vécu une rencontre humaine exceptionnelle, et j’ai un immense plaisir à vous partager quelques-uns de nos sujets d’échange.

La question clé pour toi, Marylène, est celle des collaborateurs. J’en suis convaincue également , le succès d’une entreprise passe par la capacité à recruter et fidéliser des talents, et à faire de ses salariés des talents !

Comment faire pour les voir grandir… et les rendre heureux ?!

Quand j’ai créé ma boite, tout le monde me donnait des conseils sur les produits alors que je savais très bien ce que je voulais faire, mais personne ne me posait de question sur les gens que j’allais engager. Cette absence d’intérêt m’a beaucoup frappée. Il y avait même de la méfiance à l’égard des employés. Pour moi, il était évident que je n’allais pas créer ma boîte toute seule !

Et je suis très fière d’avoir engagé des gens qui m’ont appris beaucoup. Je les écoutais beaucoup.

Les employés ont pour moi toujours été la base de mon inspiration. L’infrastructure humaine est aussi importante que l’infrastructure technologique de l’organisation.

Il faut aimer les gens pour être chef d’entreprise !

Les gens n’ont pas envie d’être malheureux. C’est l’idée qu’on peut apprendre autant qu’on veut, qu’on n’est pas prédéterminés et il faut leur donner cette possibilité. Il faut accepter que certains ne veuillent pas apprendre ou n’aient plus envie de le faire, mais toujours leur en donner la possibilité.

Bref, il faut cesser de penser aux employés comme s’ils étaient une masse indifférenciée qui fait son boulot, mais voir en eux des individus uniques, qui s’engageront pour vous, si vous vous engagez pour eux.

A ton avis, comment renouer avec l’engagement des salariés pour leur entreprise ?

Les entreprises se plaignent du désengagement de leurs employés et il est vrai que de manière générale, les employés ne sont pas engagés. Et pourtant, tous voudraient aimer leur travail !

Il y a en fait 4 niveaux d’engagement : l’engagement personnel, interpersonnel, collectif et sociétal.

L’engagement personnel peut être simple : je veux un job pour gagner ma vie, et c’est très bien. Il faut s’en réjouir. Mais, le bonheur de gagner sa vie s’efface rapidement. Du coup, il faut assez rapidement donner plus de contenu au travail et en libérer la dimension émotionnelle. Il faut donner de quoi faire évoluer pour continuer à aimer son job. D’où l’importance de la formation, par exemple.

L’engagement interpersonnel est essentiel, car on travaille toujours avec quelqu’un. Il faut recruter à plusieurs (l’embauche est un sport d’équipe !). Cela permet dès le début de travailler dans un groupe, d’être intégré dans la communauté. C’est le sentiment de communauté qui est essentiel, ainsi que d’avoir une visibilité aussi sur ce que font les autres et la reconnaissance publique de ce que fait chacun. C’est à imposer dans les boîtes !

Il faut reconnaître chacun pour ce qu’il fait et ce qu’il est. C’est aussi la visibilité de l’ensemble de l’entreprise et le sentiment de son importance personnelle dans l’entreprise.

On peut se sentir « rien du tout » quand on est un sur 1000 ! Le sujet, c’est : comment reconstituer le sentiment de l’importance. Il faut mettre en réseau plusieurs équipes pour que tout employé ait une visibilité sur ce qui se passe en amont et en aval. C’est ce qui donne au travail une intentionnalité et génère le sentiment qu’on a un impact, aussi limité soit-il.

L’engagement collectif, ce sont les valeurs qui sont générées par les employés et non pas édictées par l’entreprise. Les employés doivent devenir des charnières pour leur société.

Il est ainsi impératif de penser aux manières de mieux intégrer les employés dans cet univers multidimensionnel de l’engagement et leur offrir un univers dans lequel ils auront envie d’investir leur temps, leur énergie, leur passion.

Comment construire une culture qui porte ces dimensions de l’engagement ?

Culture et engagement sont intimement liés. Le désengagement n’est pas causé par l’absence de culture, mais par l’existence d’une culture à laquelle les employés ne se sentent pas ou plus connectés.

Et la culture ce ne sont pas les valeurs de l’entreprise, mais la combinaison des émotions de tous les employés.

C’est la dynamique émotionnelle qui crée la culture de l’entreprise. Ce sont les employés qui sont et font la culture de l’entreprise. Et cette culture sera définie par le sentiment d’appartenance des employés.

C’est pourquoi il est nécessaire de ne pas seulement mesurer leurs opinions, et de mesurer leur vécu et leur ressenti, en un mot leurs émotions,

De fait, les questionnaires en entreprise sont souvent contradictoires : par exemple, des employés peuvent déclarer être fiers de travailler dans une entreprise, mais déclarer en même temps qu’ils la recommanderaient pas ! C’est la limite des sondages seulement d’ordre cognitif.

Il faut des méthodes de mesure qui reflètent ce qu’ils ont à dire, et non ce que vous voulez entendre en tant que dirigeant ou DRH.

Est-ce-que les nouvelles générations changent la donne à ton avis ? Les fameux Y et Z ?

Les millenials et ceux qui suivent sont formés à l’économie digitale, de service, horizontale. Ils sont « empowered » dès le début !

Aujourd’hui, tout le monde peut se connecter. Ils ne comprennent pas pourquoi ils ne pourraient pas se connecter avec le boss. C’est pour cela que les modèles hiérarchiques sont devenus anachroniques ! Toute la vie devient horizontale. Le service client aussi !

Ce modèle hiérarchique va disparaître, l’entreprise intelligente consiste à penser que les gens ne sont pas des imbéciles ! C’est du bon sens. On parle aux gens dans la vraie vie ! Pourquoi y aurait-il une « exception de l’entreprise » ?

Les gens partent quand ils ne sont considérés comme rien. Et ils se baladent de boîte en boîte par désespoir.

Quelle place donner aux ressources humaines dans l’entreprise ?

C’est un sujet majeur : il faut impérativement recruter un responsable RH très vite, dans les premiers jours de l’entreprise, dès que vous pouvez !

Il faut que la personne soit un vrai « chief people officer » et connaisse parfaitement l’entreprise. Sa mission doit être de vous assister dans la mise en œuvre d’une stratégie axée sur les employés.

Les RH c’est l’infrastructure humaine, comme on a une infrastructure technologique. C’est aussi important.

Il y a beaucoup à faire sur les DRH, qui doivent être des « executive consultants ».

C’est quoi manager aujourd’hui ?

Il faut dédramatiser le management aujourd’hui. On n’a pas besoin d’être un génie, mais il faut une vraie capacité à coordonner des éléments différents. Le management, c’est mettre les gens ensemble pour trouver la meilleure des solutions.

Finalement, on a peu de décisions si compliquées à trancher. En général, la décision à prendre vient naturellement de l’étude des données. Il faut en revanche être prêt à arriver à une conclusion différente de ce qu’on aurait souhaité. Il ne faut pas avoir peur d’ouvrir l’intelligence collective et d’écouter autour de soi.

Le responsable, c’est l’ego, mais c’est aussi la peur. Les gens font des concessions car ils ont peur. L’ego est une position tactique des gens qui ont peur.

Ce qui est important aujourd’hui, c’est le Leadership : un leadership qui fait le lien avec l’engagement et qui propose un environnement intelligent : communication fluide et ouverte, culture de soutien mutuel et de tolérance, des valeurs qui sont aussi importantes que les résultats financiers et les améliorent souvent, l’encouragement à la créativité de tous, le soutien aux ambitions…

Ce leadership doit être « conversationnel », fondé sur le dialogue.

Dans 2 ou 3 ans, il faudrait d’ailleurs concevoir un test de réalité virtuelle sur le leadership. Pour mettre le leader dans la peau de son employé. Pour plonger le dirigeant dans une autre réalité à décrire.

Se mettre à la place de, et décrire ce que ça fait… Ca permettrait aux managers de se remettre en cause non pour se flageller, mais pour sortir d’un enfermement qui leur donne souvent un sentiment de solitude dans un monde pourtant peuplé !

Si vous aviez un seul conseil à partager aujourd’hui aux dirigeants et entrepreneurs qui nous lisent et ont à cœur de mettre/remettre l’humain au cœur de leur leadership, quel serait-il ?

L’humanisme permet de gagner beaucoup d’argent. Les gens humanistes sont plutôt méfiants à l’égard de l’argent, et pourtant c’est vrai, le lien est direct.

Les gens contents de faire leur boulot sont beaucoup plus efficaces : c’est + 30% de rentabilité, de productivité pour l’entreprise ! L’humain est ainsi une grande valeur économique : on parle d’une perte de 9% du PNB français liée au désengagement des salariés dans l’entreprise.

L’humanisme est un bon deal, on a plus à gagner à regarder l’homme/la femme comme un être humain !

Quand on perd des employés, on perd de la productivité. 10% de rotation par an peut laminer le profit d’une entreprise. Il est ainsi essentiel de fidéliser les gens.

Pour conclure ce partage qui, je l’espère, nourrira vos réflexions autant que la mienne, je souhaite remercier Marylène de cet échange en transparence et confiance et je  me permets  de reprendre à mon compte les mots de  Guy Kawasaki dans la préface du livre de Marylène Delbourg : « pour changer le monde, changez le travail » !

Pour se nourrir des réflexions et recettes gagnantes de Marylène, faites comme moi :

Lisez vite « Tout le monde veut aimer son travail, vers une culture d’entreprise partagée « ,  qui vient de paraître aux Editions Diateino. La nouvelle bible du dirigeant !


20 vues0 commentaire

Comentários


bottom of page