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  • Photo du rédacteurFrédérique Jeske

Lettre à ma fille : le monde en 2030, espoir…

Madeline, ma fille,

J’ai fait un rêve.

Un rêve que je me dois de partager avec toi, jeune polytechnicienne à l’aube de ta vie professionnelle, future dirigeante peut-être… en espérant que tu le feras tien…

Nous étions le 31 décembre 2030 et, au crépuscule d’un parcours professionnel de dirigeante riche et passionnant, je me retournais et appréciais le chemin parcouru et les formidables transformations de nos entreprises depuis cette fameuse année qui a tout changé, l’année 2020.

Ma conviction la plus profonde, lorsque celui que nous appellerons « Covid » est venu bouleverser les certitudes de nombre de dirigeants et managers, c’était que le changement était nécessaire, que le monde d’après devait se bâtir au présent, et que cette période inédite était en réalité une incroyable opportunité pour accélérer notre mutation vers un nouveau modèle sociétal, plus responsable et plus inclusif. Peut-être notre dernière chance d’ailleurs de faire des entreprises, quelles que soient leur forme et leur taille, des piliers du progrès et des lieux de création de valeur humaine autant que de valeur économique.

Mon monde, tu le sais, c’est celui du management des femmes et des hommes, celui des entreprises et des organisations, le monde du travail. En 2020, ce monde faisait face aux plus grands des défis : se réinventer pour le meilleur, faire le choix de la responsabilité et de la durabilité, prendre sa part dans la construction d’une société plus humaine et plus respectueuse de la planète et de ses habitants.

Et, crois-moi, c’était loin d’être gagné !!

Avant Covid, même si quelques-uns d’entre nous sonnaient l’alerte depuis plusieurs années et expérimentaient de nouvelles façons de produire, de diriger et de manager, les indicateurs étaient trop souvent au rouge : capitalisme effréné, salariés désengagés, perte du sens et de l’intérêt général, planète en danger, jeunes diplômés désabusés, déséquilibre d’un système qui laissait si peu de place aux femmes dans les gouvernances, questionnement des organisations traditionnelles

Le monde de l’entreprise et l’organisation du travail étouffaient sous la souffrance des femmes et des hommes qui les composaient, face à l’oubli trop fréquent du bien commun et à la recherche d’une intelligence collective perdue… Les entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire se battaient seules pour porter un autre modèle et elles étaient encore trop souvent regardées de haut. Les tentatives pour définir une raison d’être porteuse de sens étaient quant à elles observées avec curiosité plutôt qu’avec intérêt.

L’arrivée de la crise sanitaire et la crise économique qui suivit au fil de l’année 2020 n’ont fait qu’accélérer ce qui était inéluctable : la démonstration des limites d’un système à bout de souffle, incapable de s’adapter et de rebondir face à la crise, à l’incertitude et aux changements brutaux de paradigmes.

Les grandes entreprises étaient engluées dans leurs process, leurs outils de reporting et de contrôle, leur culture hiérarchique et financière, l’absence de leaders inspirants ; incapables de remobiliser leurs équipes dans un contexte inédit et de trouver l’agilité nécessaire pour rebondir.

Les TPE/PME étaient trop souvent asphyxiées par la crise économique et la perte de chiffre, les fermetures imposées, le ralentissement de la consommation et les contraintes administratives. Certaines start up découvraient les limites d’un système fondé sur la levée de fond et la pression sur leurs équipes.

Même les organisations non lucratives souffraient : après de nombreuses années au service des entrepreneurs, je dirigeais depuis peu une  ONG et portais une cause de santé publique majeure et, malgré le sens de notre mission, je rencontrais des freins pour faire bouger la culture interne, combattre les peurs et les réactions de repli face aux évolutions nécessaires, accompagner les managers dans une transformation des relations de travail.

Les premières réactions à la crise du covid ont été très inquiétantes :

repli sur soi et montée de l’individualisme illustrés par des débats stériles (le masque ou pas le masque, le télétravail aliénation ou progrès…?!), communautarisme croissant et méfiance envers les « jeunes irresponsables » portés par les réseaux sociaux, mises en liquidation de nombreuses entreprises en danger et montée du chômage, questionnement des expertises scientifiques et des décisions politiques, augmentation des violences faites aux femmes pendant le confinement, renforcement de la parole des « hommes experts » dans les médias avec en miroir un silence assourdissant de la moitié de la population : les femmes.

J’avoue, ma fille, qu’à cette époque, j’étais inquiète pour mes enfants, pessimiste pour notre avenir, déçue de voir ce nouveau monde émergent se comporter comme l’ancien, voire s’annoncer pire encore.

Mais Covid n’avait pas dit son dernier mot !

Une mutation du virus apparut soudainement lors de la 2e vague de la pandémie. Covid se mit alors à contaminer de manière statistiquement tout à fait anormale, l’ensemble des dirigeants et managers du pays.

Et, à l’immense surprise de la communauté scientifique et des médecins (qui, pour une fois, étaient tous d’accord sur l’originalité du phénomène !), le virus qui touchait les dirigeants et managers avait un impact majeur sur leurs perceptions cognitives et émotionnelles, sur leurs qualités de leader et le sens donné à leurs missions.

Selon le Haut Conseil Scientifique, Covid attaquait directement certaines connexions cérébrales des dirigeants, entrepreneurs et managers, femmes et hommes, pour renforcer des modes de pensée jusqu’à présent souvent « stéréotypés » et considérés comme majoritairement « féminins » : l’empathie, l’écoute, l’intuition, l’intelligence émotionnelle, la conscience de soi, la capacité à douter et à naviguer dans l’incertitude, l’humilité, l’authenticité, l’écoute de l’autre, mais aussi l’audace, le courage, l’ambition pour le collectif ! Bref, une parfaite combinaison du Yin et du Yang et l’ouverture d’esprit permettant de mettre l’ego à sa juste place.

Aucun vaccin, aucun traitement, n’a pu venir à bout de ce symptôme qui s’est avéré durable. Et j’en ai été très heureuse… Car c’était LE coup de pouce dont nous avions besoin pour que les convictions de quelques-uns deviennent la force de tous.

Et, chaque fois que nécessaire, le leader « super héros » masculin, fort et solide, est devenu un leader plus authentique et sincère, capable d’activer « tête-cœur-tripes », et ainsi plus à même de naviguer dans le nouveau monde et ses nécessités collaboratives, coopératives et collectives.

Tout est allé très vite ensuite.

Les dirigeants et managers ont tiré les leçons du passé, et nous avons pu franchir un cap majeur dans la transformation des entreprises. Celles et ceux qui portaient déjà leur volonté de rester centrés sur ce qui est le cœur même d’une entreprise : l’aventure humaine, ont pu accompagner les autres sur ce chemin, les aider à devenir des porteurs de sens et à faire de leurs entreprises des bâtisseurs d’un monde meilleur.

En 10 ans, la nouvelle normalité est devenue « l’entreprise, acteur du bien commun », dans un monde interconnecté, en réseau, au service des individus et du collectif. Tous les codes de l’entreprise ont été transformés. Sa mission, son organisation, sa culture, ses interactions avec le monde ont été bouleversées. Ça a été une « transition fulgurante » d’une ampleur sans précédent.

Enfin, le choix d’une entreprise plus humaine a été radicalement fait, une entreprise qui ne se contente pas de délivrer, mais concilie performance économique et impact positif pour l’Homme et la Planète, qui est à la fois lieu de création de valeur et lieu de vie et d’épanouissement.

Cette véritable révolution a ouvert de nombreuses portes, et a fait entrer dans la gouvernance des organisations bien plus de femmes, bien plus de mixité et de diversité, pour le meilleur.

Enfin l’association des ressources rationnelles et émotionnelles, dans leur complémentarité, est venue nourrir une nouvelle génération de leaders.

Les transformations de nos organisations sont devenues virales, portées par des convictions contagieuses de dirigeants et collaborateurs engagés, conscients de leur impact sur le monde et de leurs responsabilités sociales et environnementales.

Une fois Covid éradiqué, il nous est resté le virus des entreprises responsables !

J’ai pu observer au fil des années toutes les conditions de la confiance et de la réussite collective émerger dans les entreprises. La créativité et l’innovation ont pris le pouvoir, et progressivement, une culture fondée sur la transversalité et la coopération s’est développée.

Les organisations se sont décloisonnées et les silos ont laissé la place à la subsidiarité, la confiance et la responsabilisation de chacun.

Nous avons vu se transformer la « verticalité du pouvoir en horizontalité du sens » : chacun a retrouvé une vraie place dans son entreprise, et la coopération a conduit à l’émergence de l’intelligence collective comme moteur d’agilité et de succès.

Enfin nous retrouvions du bon sens et du sens à notre engagement professionnel.

L’essentiel a été remis au cœur de l’important : le lien social, l’entraide et la coopération, le partage et la solidarité, la relation humaine… Ce qui a permis de développer de nouvelles organisations et modalités du travail : télétravail, mobilité et flexibilité ont enfin autorisé chacun à retrouver un équilibre précieux entre vie professionnelle et vie personnelle.

Que de chemin parcouru en 10 ans !

Et j’ai eu tellement de chance de pouvoir apporter ma pierre à cette réinvention… Je savourais la puissance du collectif et des convictions partagées… qui déplacent les montagnes !

Et j’imaginais aussi la suite, tout ce qui restait à créer et à inventer… jusqu’à ce qu’un bruit retienne mon attention, un bruit de discussion dans le lointain…

Je me réveille, je suis dans mon canapé, nous sommes en décembre 2020.

Tout est à construire et à réinventer, il ne tient qu’à nous que cette belle utopie devienne réalité… Que les mots fassent émerger ce nouveau monde du travail, plus entrepreneurial, plus égalitaire, plus responsable et plus humain.

Imaginer permet de s’ouvrir à tous les possibles et de créer une nouvelle réalité du travail pour le mieux vivre.

Mon combat, notre combat doit continuer pour un monde du travail responsable et durable …

Plus que jamais, nous les femmes, pouvons, devons jouer un rôle majeur pour équilibrer le yin et le yang, porter une ambition forte, une conscience sociétale et environnementale, des valeurs humanistes et un leadership authentique.

Et j’espère de tout mon cœur, ma fille, Madeline, que tu apporteras ta contribution toi aussi, en tant que manager et dirigeante, à ce choix d’un monde du travail ouvert et respectueux de toutes et de tous.

Femme du 21e siècle et de l’après-Covid, fais-toi confiance, affirme ton ambition, fais résonner tes valeurs profondes, sens-toi légitime à prendre ta place, qui sera majeure dans l’entreprise réinventée.

Avec tout mon amour, ma passion et mon engagement,

Ta maman.

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