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  • Photo du rédacteurFrédérique Jeske

Le mérite dans l’entreprise : concept dépassé ou incontournable ?

A l’heure où l’exécutif veut développer « la rémunération au mérite » au sein de la fonction publique, quel sens donne-t-on à ce terme dans l’entreprise privée ? Comment définir, évaluer et surtout reconnaître le mérite ? Cette reconnaissance est-elle nécessaire à l’engagement des salariés et à la performance de l’entreprise ?

Une prise de parole sur le mérite, qui m’a fait réfléchir…


J’ai eu le grand honneur un samedi de février 2018, d’être invitée à participer à une table ronde intitulée « Pour le mérite », lors de la Journée nationale de l’association l’Epaulette/ CAP2C, plate-forme inter-associative réunissant les 5 associations d’officiers de l’Armée française, travaillant à la reconversion des officiers.

Ce thème imposé pour mon intervention m’a interpellée : autant les représentants de l’Armée me semblaient légitimes à porter cette valeur et ce concept, autant le sujet ne me paraissait ni simple ni clair en ce qui concerne l’entreprise privée.

Et la situation ne s’est pas arrangée lorsque j’ai lancé une enquête flash auprès d’une communauté de dirigeants pour préparer ma prise de parole : là où d’habitude je bénéficie de retours rapides et enthousiastes, cette interpellation basée sur le terme du « mérite » ne m’a value que quelques retours, ni inspirés, ni inspirants ! Clairement, ce mot ne semblait pas faire partie du référentiel et du vocabulaire des dirigeants de PME…

Je suis donc repartie de la définition classique du mérite, celle du dictionnaire : « le mérite est ce qui rend une personne digne d’estime, de considération, d’éloge au regard de sa conduite ou des obstacles qu’elle a surmontés ». Il est ensuite précisé que ce mérite peut résulter de qualités différentes, comme le talent, le courage, l’effort fourni, la prise de risque, la responsabilité, la capacité d’innovation… Présenté comme ça, le mérite pourrait aisément être symbolisé par le dirigeant d’entreprise, n’est-ce pas ?

Ce qui est certain, c’est que cette notion de mérite en entreprise semble à la fois assez désuète et incontournable ! Même si selon le sociologue François Dubet, le mérite constitue l’un des piliers de la justice au travail, avec l’égalité et l’autonomie, il est en effet peu fait référence à la notion de mérite dans l’entreprise d’aujourd’hui.

Aussi, j’ai cherché une autre définition du mérite au travail,, qui puisse incarner les enjeux qui sont les nôtres aujourd’hui, qu’il s’agisse de performance des salariés ou d’évolution des modes de management. J’en ai trouvé une, empruntée à Cécile Vaesen, qui est experte en innovation sociétale :

Selon Madame Vaesen, le mérite au travail désigne « l’ensemble des qualités d’une personne, sa capacité à travailler en équipe, sa dynamique, son sens des responsabilités, autrement dit sa conscience professionnelle et son engagement ».

Vous constaterez que cette acception du mérite englobe exclusivement des qualités humaines et personnelles… Décidemment, le mérite, ce n’est plus remettre des médailles pour services rendus à la nation !

Pourquoi est-il impératif de reconnaître le mérite en entreprise ?

L’enjeu de la reconnaissance du mérite de chaque collaborateur est majeur dans l’entreprise aujourd’hui : la reconnaissance est une demande croissante des salariés, et un vecteur fort de motivation et d’engagement au travail.

Et, tout comme l’engagement des salariés français (Consultez mon article sur l’engagement : https://www.ambitieusepourlentreprise.com/management/comment-booster-lengagement-des-collaborateurs-dans-lentreprise), la reconnaissance semble être cruellement absente dans les entreprises françaises. Ainsi, selon une étude récente, 7 salariés sur 10 estiment ne pas être reconnus à leur juste valeur.

Et je suis convaincue que la reconnaissance dans la sphère professionnelle est un besoin vital pour chacun : elle permet de se sentir exister de manière singulière et unique, de préserver confiance et estime de soi, et aussi de se sentir appartenir au groupe, contribuer au collectif.

Bref, la reconnaissance est un des leviers du sens et de l’utilité au travail.

Sans compter que la vie professionnelle prend une dimension de plus en plus immatérielle et qu’il est parfois difficile pour chaque collaborateur d’évaluer la qualité et l’utilité de sa mission. Dans ce contexte, seul le regard des autres peut rétablir confiance en soi, sentiment d’utilité et d’appartenance !

Comment mesurer et évaluer le mérite en entreprise ?

Même si le mérite est bien difficile à définir et que le terme est peu utilisé par les dirigeants de la sphère privée, nul doute que l’entreprise tente d’évaluer, de reconnaître et de récompenser les mérites de ses salariés.

Très concrètement, dans l’entreprise, on va déjà chercher à mesurer : la performance, le rendement. Il est ici question de : notation des salariés, de management par objectifs, d’évaluation des performances…

Fort heureusement, les choses changent et ce rendement n’est plus le seul indicateur de mesure du mérite ! L’organisation du travail évolue en permanence, le travail même change de nature en devenant plus relationnel, plus coopératif et plus exigeant, les systèmes de valeur changent également.

Et ainsi, il devient nécessaire d’évaluer et reconnaître non seulement la performance (compétences, résultats), mais aussi l’attitude, le comportement, le savoir-être (c’est-à-dire le savoir-faire relationnel), l’engagement !

Et ce fameux mérite est ainsi devenu multiforme et de plus en plus complexe à évaluer : comment mesurer en effet par exemple la capacité d’un salarié à générer de la bonne humeur autour de lui ou à éviter des conflits internes ?

Il nous faut  avoir la capacité à reconnaître autant les compétences que les résultats, autant la manière de travailler que l’implication dans le travail.

La relation humaine, levier majeur de reconnaissance du mérite de nos collaborateurs ?

Assez naturellement, la reconnaissance octroyée aux salariés par l’entreprise est d’abord financière. On peut citer : la progression salariale, les primes, les variables sur objectifs, les stock-options, les golden parachutes pour les hauts dirigeants, l’intéressement, la participation aux bénéfices… les outils, individuels ou collectifs, ne manquent pas.

Mais cette gratification n’est pas uniquement financière, loin de là. Et bien heureusement ! Au-delà de la rémunération, le salarié recherche de plus en plus une reconnaissance plus globale de ses mérites, où on va retrouver bien sûr le salaire, mais aussi le statut social, l’autonomie, la qualité du management, le sens de ses missions…

Bref, la rétribution peut être financière, symbolique, concrète ou affective !

Les besoins et leviers de reconnaissance sont très personnels et dépendent de la personnalité, de la culture et du contexte de l’entreprise… Quand l’un exprimera un besoin de reconnaissance en tant que personne, l’autre attendra une gratification financière de ses résultats, un autre encore sera en attente d’une plus grande délégation de décision ou d’une mission autonome etc.

L’une des responsabilités majeures du manager et du dirigeant est ainsi la capacité à appréhender les besoins de chacun, et à personnaliser la reconnaissance qu’il va apporter à chacun.

Dans ce contexte où chacun dessinera individuellement son propre besoin de reconnaissance, quels pourraient être les astuces et outils du dirigeant et du manager permettant de « reconnaître humainement les mérites » de leurs collaborateurs ?

Partageons quelques idées simples, quelques attitudes, qui me semblent intéressantes à mettre en oeuvre, car, bien évidemment, la reconnaissance du mérite, ce n’est pas une fois par an lors de l’entretien annuel…

  1. Avoir envie et faire ce qu’il faut pour vraiment connaître ses collaborateurs, et avoir ainsi la capacité à personnaliser la réponse aux besoins de reconnaissance de chacun. Et pour cela, restons ouverts et curieux, apprenons à connaître individuellement chaque collaborateur, réapprenons l’écoute. C’est aussi faire preuve de respect que de prendre le temps de connaître chacun dans son individualité.

  2. Soigner la qualité des relations interpersonnelles, parce que les actions simples et gratuites, les marques de considération, les feed-backs réguliers, les « petits mots merci ou bravo » sont précieux, et que chaque échange, formel ou informel, est important.

  3. Travailler sur soi, car pour appréhender un par un les leviers de reconnaissance de ses collaborateurs, le préalable est de bien se connaître soi-même et d’être capable d’adapter sa posture si nécessaire.

  4. Passer du temps avec les collaborateurs à chaque occasion, parce que notre plus grand ennemi est bien notre manque de disponibilité. En tant que dirigeant, nous nous concentrons sur les projets clés, les difficultés majeures, la vision globale, ce qui limite fortement le temps à consacrer aux collaborateurs.

  5. Faire évoluer son mode de management, de la gestion au coaching, parce que l’attitude managériale déterminera la qualité de la relation et la légitimité à accorder des signes de reconnaissance. Passer du management au résultat au management par la confiance permet aussi de passer de la reconnaissance exclusivement monétaire à la reconnaissance par l’autonomie, le sens et l’équité.

  6. Encourager la créativité, décentraliser les prises de décision, permettre à chacun d’innover et de prendre des initiatives, déléguer la responsabilité de projets, parce qu’il s’agit aussi de marques de reconnaissance que de privilégier confiance et autonomie dans les relations de travail.

  7. Reconnaître les mérites de chacun bien sûr, et aussi reconnaître le collectif, l’équipe ! Incentives, séminaires, moments de rencontres et d’échanges, réunions conviviales… la valorisation et la reconnaissance des efforts et réussites collectifs donnent envie à tous de surpasser !

Sans jamais oublier l’essentiel : la sincérité, l’authenticité, l’alignement de vos actes sur vos valeurs personnelles et celles de l’organisation. Pas la peine de féliciter si vous n’y croyez pas, pas la peine de « surjouer » le rôle d’un manager reconnaissant, sous peine de boomerang immédiat et de démobilisation des troupes…

Il existe bien sûr bien d’autres moyens, moins personnels, de reconnaître le mérite : progression professionnelle, formation, flexibilité de l’organisation du travail…

Et je suis persuadée que l’équation gagnante est bien : reconnaissance = plaisir = engagement = performance !

Bref, reconnaître les mérites de ses collaborateurs, c’est redonner du sens à leur travail, les aider à éprouver plaisir au quotidien, contribuer à préserver leur estime de soi et à développer leur sentiment d’utilité dans l’entreprise, et participer au sentiment d’appartenance… Pourquoi se priver de ce moteur formidable ?!

Pensez-vous, vous aussi, que les leviers les plus forts sont ceux fondés sur la relation humaine entre le collaborateur et son manager et qu’il est nécessaire aujourd’hui d’investir et cultiver la qualité relationnelle dans l’entreprise ? 

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