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  • Photo du rédacteurFrédérique Jeske

Emotions, Leadership et Coaching !

Comment et pourquoi faire entrer les émotions dans l’entreprise ? Comment réenchanter le métier de dirigeant et faire le choix d’un leadership authentique et résonnant ? Comment le coaching peut-il accompagner les dirigeants sur ce chemin ?…

Un constat : la négation des émotions dans l’entreprise.

Je me souviens d’une expérience qui m’a beaucoup marquée dans mon parcours professionnel. C’était en 2006, je pilotais, avec mes collègues du codir la fusion de deux entreprises leaders sur le marché des médias scientifiques.

Nous étions en première ligne pour gérer cette fusion importante, chacun sur son activité et avec mes collègues, nous étions très fiers de nous. Nous avions tout prévu, tout sécurisé (le juridique, le fiscal, le social et les RH, l’organisation, les clients… Oui, tout… Sauf « l’essentiel au cœur de l’important » : l’humain, et tout particulièrement la gestion des émotions, les nôtres et celles des collaborateurs, face à la violence du choc culturel entre une PME française traditionnelle et une filiale de grand groupe anglo-saxon.

Nous avons vécu un véritable tsunami, à la fois personnel et collectif…  Et j’ai vraiment pris conscience que l’entreprise était avant tout un lieu de relations humaines, un espace d’émotions, même si on n’en parle jamais. J’ai pris conscience aussi de la difficulté, pour un leader, à grandir sur ce terrain de l’émotion pour en faire une énergie positive, une ressource plutôt qu’une source de souffrance.

En près de 30 ans de parcours professionnel, j’ai vécu de nombreuses situations similaires qui m’ont démontré que la négation des émotions dans l’entreprise était certes un tabou… mais aussi un enjeu majeur. Les dirigeants, très souvent, nient la dimension émotionnelle de leur métier, de leur posture, et celle de leurs équipes et de leur entreprise. Leurs émotions sont d’ailleurs souvent mal utilisées comme support à la décision.

L’entreprise a majoritairement rejeté cette dimension pourtant fondamentale de la relation à l’autre, en considérant les émotions comme des éléments perturbateurs et négatifs.

Face à ce constat on peut ajouter un environnement, un contexte, qui remet en question l’organisation traditionnelle de l’entreprise, le rapport au travail et le leadership.

Les enjeux à venir exigent de repenser la manière de piloter les entreprises.

Ce qu’on vit aujourd’hui, c’est une transformation continue, qui bouleverse tous les codes …

Le dirigeant doit surfer sur la complexité et l’incertitude, développer son agilité et son adaptabilité…

Tout est devenu remise en question, réinvention, qu’il s’agisse :

  1. de l’innovation, de l’accélération du temps, des exigences des salariés et des clients.

L’entreprise évolue aussi de la verticalité hiérarchique que l’on connait bien, vers ce qu’on pourrait appeler une horizontalité du sens, qui demande à développer de nouvelles approches de coopération, d’intelligence collective, de subsidiarité, et à rendre chacun acteur d’une entreprise qui devra demain être plus inclusive…


Les émotions doivent trouver leur place dans l’entreprise.

La société devient de plus en plus émotionnelle : l’hyperconnexion a effacé les frontières entre sphères professionnelles et privées, les affects prennent le pas sur la raison. Les émotions gouvernent le monde, nous en sommes tous conscients. Mais elles n’ont pas encore trouvé leur place en entreprise, et surtout chez les dirigeants.

Même s’il est de plus en plus question de savoir-être en entreprise, il est rare que la culture interne autorise les dirigeants à exprimer librement leurs émotions, qui restent souvent tabous. Là où la maîtrise de soi est considérée comme un atout, l’expression des émotions reste signe de faiblesse, considérée comme dérangeante et inadaptée. L’entreprise a ainsi rejeté la dimension fondamentale de la relation à l’autre.

Il est vrai que les émotions ont toujours été considérées comme un facteur qui trouble la capacité de jugement et peut affecter les prises de décision.

Depuis l’enfance, on nous apprend à les éviter, surtout les émotions négatives. Et les dirigeants, confrontés chaque jour à des situations à fort impact émotionnel, s’en trouvent le plus souvent démunis, « s’interdisant de ressentir ».

Combien de fois ai-je entendu chez les dirigeants que je côtoie et accompagne l’affirmation si péremptoire :   « mes émotions, je les laisse à la porte de l’entreprise » … Il est vrai que la règle jusqu’à présent a été plutôt de les ignorer, les considérant comme des éléments perturbateurs, laissant à découvert la vulnérabilité, voire la faiblesse du chef d’entreprise.

Pourtant, l’entreprise est une aventure humaine faite d’échanges d’informations et surtout d’émotions. L’adaptation du savoir-être, du comportement, nécessaire pour transformer l’entreprise et la faire grandir, ne pourra passer demain que par la prise en compte de cette dimension émotionnelle.

L’entreprise elle-même doit ainsi désormais apprivoiser l’émotion, fondamentale pour favoriser l’agilité et l’innovation et pour développer des expériences clients performantes :

les émotions sont le moteur de la transformation, et en faire des ressources passe nécessairement par le leader et sa prise de conscience.

Les émotions mises au service de la pensée peuvent en effet être un levier très fort d’action et de leadership, à condition que le leader soit en capacité de les accueillir, de les accepter et de les exprimer.

La conscience de soi devient ainsi un levier majeur de la performance du dirigeant.

On parle de plus en plus de remettre l’humain au centre de l’entreprise, pour moi, ça veut dire : accepter le fait que les expériences à faire vivre tant aux clients qu’aux salariés, sont avant tout des expériences émotionnelles.

Autoriser le dirigeant à travailler sur ses émotions, c’est ainsi autoriser les émotions dans l’entreprise. Et plus les innovations technologiques prendront de la place (l’IA, la robotisation…), plus l’entreprise pourra se différencier par sa capacité à mettre de l’émotionnel au centre de son identité, de ses valeurs, de sa vision.

Tout cela nécessite une prise de conscience de la part des dirigeants et des leaders et une mise en mouvement.

Cette mise en mouvement, c’est d’abord un voyage en soi-même, à sa rencontre et à la rencontre de ses émotions. J’ai beaucoup aimé une expression de Jean Staune, dans son tout nouveau livre sur l’intelligence collective : il dit que désormais, il faut « vivre l’être (le sens) et le mouvement », en même temps.

L’intelligence émotionnelle du leader est ainsi, à mon sens, l’un des enjeux majeurs de la transformation culturelle de l’entreprise.

L’enjeu  du dirigeant devient sa capacité à harmoniser tête et cœur pour concilier ses intelligences : rationnelle, relationnelle et émotionnelle.

Retrouver le sens de sa mission

Dans notre monde de l’entreprise en mutation, les leaders et managers ont parfois perdu le sens de leur mission, se cachant derrière les sciences de gestion et les ratios en tout genre, sécurisant la performance économique et oubliant par là-même les leviers affectifs d’engagement et de création de valeur.

Il a même été démontré scientifiquement, que plus on s’élève dans la hiérarchie et moins on est dans l’empathie : « ceux qui sont très hauts dans la pyramide perdent en capacité à déchiffrer les émotions »[1]

alors même que connaissance de soi et empathie deviennent les clés du leadership.

Bientôt, face à l’intelligence artificielle, seule l’intelligence du cœur restera impossible à programmer et les compétences socio-émotionnelles du leader viendront ajouter de la valeur humaine aux tâches automatisées. Connaissance de soi, pleine conscience, empathie et compréhension des biais cognitifs sont les clés du leadership du futur.

« Des dizaines d’années de recherche ont démontré que les meilleurs leaders et membres d’une équipe ont des compétences en intelligence émotionnelle et sociale élevées, notamment la maîtrise de soi, la résistance au stress, l’empathie, l’influence et la capacité à travailler efficacement en équipe. Ce sont ces compétences qui distinguent les personnes d’excellence au XXIe siècle » nous explique David Goleman.

En quoi le coaching peut-il accompagner le leader à se réconcilier avec ses émotions ?

Le coaching ouvre ainsi la voie au « réenchantement » du métier de dirigeant, en redonnant sa place aux émotions dans son efficacité professionnelle[2]

et en lui permettant de développer conscience et acceptation de soi, flexibilité, discernement, empathie, conscience sociétale.

Accompagner un dirigeant dans le développement de ses compétences émotionnelles est un catalyseur fondamental de son changement et de sa réussite.

Le coaching des émotions du dirigeant a de ce fait un impact à la fois individuel et collectif : sur la personne du dirigeant, en lui apportant plus de sérénité et de bien-être au quotidien, dans la mesure où ses décisions seront prises en accord avec ses émotions et en exploitant toutes les informations qu’elles lui délivrent ; et sur la performance de l’entreprise, en développant la capacité du dirigeant à prendre des décisions efficaces.

Coacher les émotions des dirigeants est ainsi un préalable nécessaire à l’émergence des leaders du nouveau monde : celui dans lequel la coopération et l’intelligence collective font de l’intelligence émotionnelle l’enjeu majeur du leadership. Le leadership n’existera plus sans partage des émotions, qui crée de l’engagement, de la cohésion, de l’énergie collective et de la confiance.

Les émotions sont passionnantes à prendre en compte en coaching, car ce sont des matériaux vivants, qui sont « de bons serviteurs mais de mauvais maîtres » pour notre client : de bons serviteurs dans leur rôle d’alarme à écouter attentivement, mais de mauvais maîtres si le dirigeant les laisse diriger son existence.

Ainsi, nous pourrions acter, comme Thierry Janssen, que le coach permet au dirigeant coaché de « métaboliser » ses émotions, afin d’utiliser l’énergie qu’elles contiennent, comme un aliment : « Le métabolisme est l’ensemble de réactions chimiques qui permettent de récupérer l’énergie contenue dans les aliments grâce à l’apport d’oxygène. Métaboliser une émotion demande donc de l’accueillir comme une nourriture, la mâcher lentement, la savourer et surtout respirer profondément. Dès que nous nous comportons de la sorte, la manifestation corporelle s’estompe et son information génère des idées nouvelles dans notre système de pensées et son énergie devient ainsi disponible pour une réponse adaptée à la situation »[3].

Il ne s’agit donc pas de contrôler, maîtriser ou gérer les émotions… mais de les accueillir, les écouter, en prendre conscience, les vivre et en libérer toute l’énergie pour agir en adéquation avec ses valeurs personnelles profondes. Antonio Damasio[4] a démontré que sans émotions il ne pouvait y avoir de rationalité : libérer cette source d’énergie est ainsi un impératif pour le leader du 21e siècle.

Coacher les émotions du dirigeant permet à « la magie du coaching » d’opérer : l’accompagnement bienveillant et l’alliance entre le coach et le coaché autorisent le client à renouer avec l’éveil de sa conscience, la vigilance, l’attention à soi et au monde autour de soi. Au détour d’un échange émergent des perspectives inattendues, des alternatives comportementales pertinentes, une nouvelle capacité à se mettre en conscience et en mouvement.

L’émotion invisible devient visible, la relation de confiance entre le coach et le coaché permet au dirigeant d’accéder à toutes les ressources et à l’énergie de ses émotions.

Ainsi, le coach pourra accompagner l’émergence du Leader du futur, un leader authentique et conscient, relié au monde qui l’entoure, aligné avec ses valeurs profondes, en capacité de développer l’optimisme et la lucidité nécessaires à naviguer dans un monde d’incertitude et de transformation en continu.

[1] Selon les études réalisées par Emma Villarem, docteure en neurosciences cognitives, fondatrice de Cog’X.

[2] Thierry Chavel, « Le coaching démystifié », Editions Demos, 2001.

[3] Thierry Janssen, « Apprenons à métaboliser nos émotions », article de Psychologie Magazine, mai 2015.

[4] Antonio Damasio, « L’erreur de Descartes, la raison des émotions », Odile Jacob, 2006.

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